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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/142

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LECONTE DE LISLE

Le XVIIIe siècle, écrit-il dans l’étude sur Chénier, a donné naissance à des faits qui resteront immortels sans doute, mais comme une torche immense et cachée, il n’a jeté deux puissants et magiques éclats qu’à son agonie : la réaction politique et la réaction littéraire. La première semble avoir fécondé la seconde tout en fermant pour jamais les lèvres harmonieuses qui réveillaient la poésie de sa longue léthargie.


Il parle dans une lettre à Rouffet d’un poème : Aux Rois, qui doit faire partie du Cœur et l’Âme. Cependant, sur la demande de Rouffet, qui ne devait guère discerner quelle place il pouvait yavoir pour la politique entre le Cœur et l’Âme, il fut décidé qu’il n’y figurerait pas. Quel était-il ?…

Il faut peut-être en juger par cette lettre-chronique du Chinois[1] à son ami où l’Asiatique, séjournant à Paris, dit son étonnement du peu d’enthousiasme, voire du dédain que le peuple français témoigne pour son Roi dans les grandes fêtes des Tuileries. Il cite ces vers d’ « un premier poète de France » :


Il (le peuple) sait tirer de tant d’austères jugements
Tant le marteau de fer des grands événements
A, dans ces durs cerveaux qu’il façonnait sans cesse,
Comme un coin dans le chêne enfoncé la sagesse.
Il s’est dit tant de fois : Où le monde en est-il ?
Que font les rois ? À qui le trône ? à qui l’exil ?
Qu’il médite aujourd’hui comme un juge suprême,

  1. « Deux années d’études et surtout d’exil me retiendront encore… Écris-moi, rappelle à mon oreille et à mon cœur les accents de la patrie et le souvenir si doux de ce temps trop vite écoulé où sous l’épais dôme des Mangoustanis du Tchien-Kian, dans notre retraite calme et chère, nous nous aimions, nous rêvions et nous adorions Fô, le père du soleil ! »