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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/249

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Parce qu’il tente de ramener son ami au culte de la Poésie, de le détacher de l’action qui absorbe vainement la vie et ne peut valoir que lorsqu’on y apporte une âme sublimée par les hautes et pures conceptions, d’attacher aux politiciens une intelligence et un talent qu’il estime entre tous, est-il permis de dire que, désillusionné, il s’écarte des préoccupations sociales pour s’abstraire dans un dédaigneux olympisme ? Il faut plutôt se rappeler avec quel empressement trop unanime en 1848 l’on oubliait les Lettres pour ne plus s’adonner qu’à la politique. Il est vrai qu’on y avait été conduit par les Lettres ; mais une fois pris par la politique, on n’y retournait guère. L’indifférence, l’oubli de l’art menaçaient de se changer aisément en mépris à la faveur de la platitude bourgeoise. Et vraiment quelle victoire eût-ce été pour le progrès ? La médiocrité avide de péroraisons démagogiques imposait le silence aux Lettres. De ce silence souffrit entre tous Balzac, qui en méjugea la révolution de 1848[1]. Il effraya Leconte de Lisle, qui devait encore, longtemps plus tard, déplorer la perte faite alors par la poésie en Lamartine, qui n’admettait point la vie sans art et sans beauté, qui toujours redouta le triomphe de la laideur et de la bêtise bourgeoises sur l’intelligence et la beauté. Plus que tout autre, le moment critique ne permettait point que l’Intelligence s’éparpillât, s’affaiblît et abdiquât.

De même encore, parce qu’il ne pouvait vivre

  1. Gabriel Ferry : Balzac en 1848. R. hebdomadaire.