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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/281

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Même les pièces les plus satiriques, le célèbre sonnet Aux Montreurs, ne résument pas seulement sa haine du bourgeoisisme contemporain, ils indiquent déjà son idéal d’une vie patriarcale, où « les passions vigoureuses et profondes » se nourrissent librement, comme le voulait Fourier, dans la générosité du « sol nourricier ».

Découragées de l’action immédiate, toutes ses ardeurs socialistes ne pouvaient s’annihiler d’un coup ; Leconte de Lisle, né dans une île vierge, riait trop sain et vigoureux ; elles se transformèrent d’idées politiques en regrets et visions sociaux. Haineux du « siècle », il regrette dans ses poèmes les âges de l’humanité primitive que son esprit socialiste imagine libertaires, et dans la représentation à la fois béate et désespérée de la vie primitive il exprime quel avait été son idéal d’avenir. Il est d’autant plus net que c’est l’avenir qu’il représente dans le passé que ses connaissances scientifiques lui devaient faire supposer que le passé n’avait pas été si heureux. Ce sera d’ailleurs une habitude poétique des socialistes de la période religieuse qui précède celle du socialisme scientifique de regarder les hommes de la préhistoire comme heureux d’être nés bons et libres dans la luxuriance d’une nature jeune et abondante. Cela constitue une sorte de primitivisme socialiste, pour lequel le bonheur de la cité socialiste future tient dans un retour aux mœurs simples primitives, égalitaires et partageuses, de même que pour le primitivisme chrétien la perfection consiste à acquérir la foi naïve des premiers chrétiens. Ce n’est donc pas ici