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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/284

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Du sein des flots féconds les humides vallées,
De nacre et de corail, et de fleurs étoilées,
Sortaient telles qu’aux yeux avides des humains.
De beaux corps ruisselants du frais baiser des bains,
… Les cieux étaient plus grands ! D’un souffle généreux
L’air subtil emplissait les poumons vigoureux !
Et plus que tous, baigné des forces éternelles,
Des aigles de l’Athos je dédaignais les ailes[1].


Chiron représente l’homme-dieu de ces âges, la force de la terre faite homme par la noblesse insatiable des aspirations, faite bête par l’ardente puissance d’instinct :


Ô fleuves immortels, qu’en mes jeux enfantins
Je domptais du poitrail, et dont l’onde écumante,
Neige humide, flottait sur ma croupe fumante !
Oui ! j’étais jeune et fort, rien ne bornait mes vœux,
J’étreignais l’univers entre mes bras nerveux.


Le poète connut dans le socialisme de telles ardeurs d’optimisme intrépidement enthousiaste !… La force de Chiron, cabrée au profil des monts anciens, résume les émotions les plus substantielles et la plus déchaînée des indépendances. C’est cette vie superbe que le poète rêve pour l’homme de la cité future qu’il veut retremper dans la vigueur de la nature, qu’il veut robuste et sain, éternellement jeune, à jamais débarrassé et purifié de la vie civilisée contemporaine, faiseuse d’infirmes et d’esclaves :


J’étais calme, sachant que j’étais immortel !
jours de ma jeunesse, ô saint délire, ô force !


Sa vie colossale épandue aux espaces est modèle

  1. Il importe de noter que Chiron est contemporain des poèmes socialistes d’avant 1848.