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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/285

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sublime de vie qui n’est contenue que par la nature ; elle est si ample qu’elle renferme l’histoire de plusieurs générations d’hommes primitifs, et son détail vaut pour l’évocation minutieuse des premières individualités qui s’isolèrent et errèrent avant toute formation de société :


Tel je vivais heureux sur la terre sublime,
Toujours l’oreille ouverte aux bruits universels,
Souffles des cieux, échos des parvis immortels,
Voix humaines, soupirs des forêts murmurantes,
Chansons de l’Hydriade au sein des eaux courantes,
Et, formant sans remords le tissu de mes jours
De force et de sagesse et de chastes amours !
Je buvais l’eau du ciel et je dormais sur l’herbe
Et, parfois, à l’abri des bois mystérieux,
Comme fait un ami, j’entretenais les Dieux !


Car, farouche chasseur, amant nomade ou calme penseur, il est un dieu et fuit les mortels. Il contemple de haut l’humanité :


Quand la Terre était jeune et quand je respirais
Les souffles primitifs des monts et des forêts,
Des sereines hauteurs où s’épandait ma vie…
… À mes pieds répandu, j’ai contemplé d’abord
Un peuple qui des mers couvrait le vaste bord.
Au sol qui les vit naître enracinés sans cesse,
Ils paissaient leurs troupeaux, pacifique richesse.
Sans que les flots profonds ou les sombres hauteurs
Eussent tenté jamais leurs pas explorateurs.
Arès, au casque d’or, aux yeux pleins de courage,
Dans la paix de leurs cœurs ne jetait point l’orage.
… D’inhabiles clameurs montaient par intervalles,
Cris de peuples enfants qui, simples et pieux,
Sentaient bondir leurs cœurs en présence des cieux.


Mais si riche de force et de science universelle est-il devenu au milieu de la nature que son cœur se gonfle d’altruisme et que, par amour, il fait l’éducation des hommes :