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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/306

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socialité. Aussi faut-il insister sur la vision que Leconte de Lisle avait de la Grèce : tout ce que son âme de citoyen juste, libre, fraternitaire rêvait généreusement de bonheur républicain, socialiste, et tout ce que son imagination d’artiste souhaita de voluptés esthétiques, se concilia et se condensa sous forme d’hellénisme. Fanatique admirateur de la Convention, il se fit de la Grèce la même conception que la majorité des conventionnels. Car il est frappant combien la Grèce leur apparaissait principalement une patrie de civisme : justice, égalité, fraternité, liberté — et beauté : en cette conception, hérité, directement de l’helléniste social Fénelon, fraternisaient les Louis David, les Boissy d’Anglas, les André Chénier, ce révolutionnaire qui ouvrit en poésie française le cycle d’inspiration hellénique. L’hellénisme de Leconte de Lisle, qui est le contraire de celui d’un Nietzsche, individualiste et saxon, est richement et fécondement français ; et il prend une valeur et une poésie particulières quand on le rattache à la tradition :


À la Renaissance, les Grecs, chassés par l’Islam se réfugient en Occident ; ils pleurent ensemble leur pays et leur ancienne liberté, avec passion et autorité ; et dès lors, l’Hellade se dresse aux lointains horizons de l’imagination comme la patrie de la liberté, toutes les nostalgies se recueillent poétiquement autour de son nom. Les humanistes du XVe et du XVIe siècles sont les premiers humanitaires de l’époque moderne : Robert Estienne inclinait