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Page:Leconte de Lisle - Œuvres, Poèmes tragiques.djvu/207

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LES ÉRINNYES.

Et dans l’Hadès fleuri de pâles asphodèles
Les Ombres des aïeux vont m’accueillir près d’elles !
Mais, un jour, je serai vengée. Il reviendra,
Celui qui but ton lait fatal, Klytaimnestra !
Le Vagabond nourri d’inexpiables haines,
Le monstrueux Enfant des races inhumaines,
Le tueur de sa mère, à lui-même odieux,
Et toujours flagellé par la fureur des Dieux !
Maintenant, qu’on me lie, et qu’un seul coup m’achève !
Et que je dorme enfin !

Elle veut entrer dans le palais, et recule.

Et que je dorme enfin ! Oh ! Le lugubre rêve !
Sentir l’airain me mordre à la gorge, et mon sang
Ruisseler tout entier de mon corps frémissant !
Je n’ose pas, vieillards ! j’ai peur ! un noir nuage
M’aveugle, et la sueur inonde mon visage.


EURYBATÈS.

S’il est vrai, n’entre pas, malheureuse ! Va, fuis !
Nous resterons muets. Fuis Argos !


KASANDRA.

Nous resterons muets. Fuis Argos ! Je ne puis.
Il faut entrer, il faut que la Chienne adultère
Près du Maître dompté me couche contre terre.
C’est un suprême honneur, au seul lâche interdit,
Que de braver la mort. Allons !… Et sois maudit,
Palais, antre fatal aux tiens, sombre repaire