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Page:Leconte de Lisle - Œuvres, Poèmes tragiques.djvu/241

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LES ÉRINNYES.

Mais, avant de tomber sanglante sous ma main,
Parle, apaise l’époux égorgé dans le bain ;
Car, sur le sable blême où roule le noir Fleuve,
Il attend à l’affût son odieuse veuve !


KLYTAIMNESTRA.

Respecte, mon enfant, le sein qui t’a nourri !


ORESTÈS.

Ne parle pas au fils, femme ! parle au mari.
Moi je te frapperai, mais lui t’a condamnée.


KLYTAIMNESTRA.

C’est l’Érinnys, enfant, sur ta race acharnée,
C’est elle, le Daimôn ineffable et sans frein,
Par qui ton père est mort sous la hache d’airain.
Elle a troublé mon cœur, hélas ! longtemps austère,
Et m’a précipitée aux bras de l’adultère.
Ce n’est pas moi, c’est elle ! Enfant, qu’ai-je gagné
Au meurtre ? Nuit et jour n’en ai-je pas saigné ?
Répondez, murs témoins de mes veilles affreuses !
Et toi, toujours debout dans mes yeux que tu creuses,
Fantôme du héros, image de l’Époux,
Réponds ! — Ô mon enfant, j’embrasse tes genoux !
Ne verse pas mon sang !


ORESTÈS.

Ne verse pas mon sang ! As-tu tout dit ?