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Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/171

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officiers s'en mêlaient ; c'était une vie de famille, une misère commune gaiement supportée.

Enfin l'amiral Courrejolles comprit que cet état de choses ne pouvait durer. Il nous envoya du renfort avec de l'artillerie. J'ai entendu plus tard critiquer notre énorme dépense en munitions dans la journée du 9 octobre (75 fusils ont tiré 8000 cartouches). Il est vraiment inouï d'entendre émettre des avis de ce genre par des personnes qui ignorent complètement les conditions dans lesquelles nous avons dû combattre le 9 octobre à Na-Moun. Il s'agit ici d'un engagement complètement imprévu ; nous nous sommes trouvés dans une souricière, en face d'un ennemi d'une supériorité numérique écrasante, ayant en outre cet avantage qu'il était tout à fait chez lui. Il savait où se cacher, tantôt dans les maisons, tantôt dans les champs de cannes à sucre, pour ne paraître qu'au moment où il nous voyait dans l'impossibilité d'avancer ou de reculer. Il a donc fallu tirer chaque fois que les Chinois se sont montrés quelque part, et même alors, nous ménagions nos cartouches ; enfin, entourés de quelques milliers d'hommes, notre seule chance de salut était évidemment la supériorité de nos armes et de notre feu. Tenter un assaut dans ces conditions, c'eût été pure folie ; il fallait tirer, tirer sans relâche et cela jusqu'à la dernière cartouche.

Après cette affaire, la Chine nous envoya le célèbre maréchal Sou qui commandait le corps d'armée chinois sur la frontière du Tonkin. Il se disait l'ami de la France, ce qui ne l'avait pas empêché de fournir des chefs aux bandes pirates qui pendant de longues années firent tant de mal à nos soldats.

Cependant le maréchal Sou avait fini par mettre les pouces à la suite d'une aventure, bien connue au Tonkin, où le général Gallieni, alors colonel, lui rendit la monnaie de sa pièce et lui fit voir, pour une ruse, une ruse et demie. Des réguliers chinois, traversant chaque jour la frontière sous des déguisements de pirates, venaient