Aller au contenu

Page:Leroux - Balaoo, 1912.djvu/32

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
18
BALAOO

— Où qu’ils sont, les bandits ? gronda-t-il… et il avança la tête…

Enfin il se planta sur le seuil avec sa queue de billard.

Ce coin de la rue Neuve était bien éclairé par la lumière du réverbère, au coin de la place de la Mairie. Cependant, Blondel ne distinguait rien et les gémissements, de nouveau, avaient cessé. D’un signe, il appela Patrice et Roubion. Ils le rejoignirent, surmontant l’insupportable angoisse dont ils avaient honte maintenant.

Au fond, ils ne se pardonnaient point d’être si lâches. Blondel l’avait dit : ils étaient trois… sans compter que toute l’auberge était pleine de voyageurs qui accourraient au premier appel ; il fallait, du moins, l’espérer.

— Est-ce que vous voyez quelque chose ? leur demanda le commis-voyageur. Moi, je ne vois rien.

— Non ! rien !… on ne voit rien !… Il n’y a rien !

— Tenez ! attendez une seconde que j’aille jusqu’au coin de la ruelle… là…

— Monsieur Blondel, vous avez tort !… Vous avez tort !…

Mais l’autre était déjà dans la rue. Il ne faisait pas de bruit, marchant nu-pieds sur le pavé, et il se glissa ainsi jusqu’au coin de la ruelle de gauche dans laquelle, sans s’y risquer, il regarda et écouta… et puis il revint et s’en fut vers la droite, jusqu’au coin de la place de la Mairie.

La lueur du bec de gaz agitait l’ombre formidable de Blondel, toujours armé de la queue de billard, sur le mur d’en face… Un silence incompréhensible après les plaintes de tout à l’heure pesait sur le village, et cela paraissait à Patrice plus effrayant que les gémissements