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Page:Leroux - Les Étranges Noces de Rouletabille, 1918.djvu/281

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DE ROULETABILLE
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— Parti, répondit Tondor… parti dans son caïque aussitôt que le stationnaire allemand a été en vue… Il l’a suivi… Il vous donne rendez-vous à l’échelle de Dolma-Bagtché…

— Bien ! fit Rouletabille, visiblement satisfait ; et après un coup d’œil sur la vie nocturne du Bosphore, où s’allumaient les feux réglementaires du stationnaire, cependant que glissaient les lumières des caïques allant et venant de la côte d’Asie à celle d’Europe, il dit à La Candeur et à Tondor de le suivre et tous trois reprirent le chemin de Galata.

Rouletabille était tout pensif, il ne prêtait aucune attention à ce qui se passait autour de lui. En remontant la rue de Péra, il ne s’offusqua même point du flonflon des orchestres, de la gaieté des terrasses de cafés, des lumières aux portes des théâtres et des beuglants, des boutiques illuminées et de tout le mouvement indifférent et joyeux des habitants de cette ville cosmopolite, capitale d’un empire qui venait cependant d’être frappé au cœur. Il ne pensait qu’à une chose, ne se répétait qu’une chose : « Est-ce qu’Ivana serait déjà la proie d’Abdul-Hamid ? » Il ne le croyait pas ; il pensait avoir agi à temps en prenant la responsabilité de dénoncer la conspiration et il espérait bien qu’Abdul-Hamid avait dû quitter Salonique ayant d’avoir été rejoint par Kasbeck et Ivana.

Cependant La Candeur avait soif et aurait voulu s’arrêter dans une brasserie, mais Rouletabille le bouscula d’importance et, au coin de la caserne d’ar-