Aller au contenu

Page:Leroux - Les Étranges Noces de Rouletabille, 1918.djvu/292

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

288
LES ÉTRANGES NOCES

phore, c’est comme souvenir que tu emportes ces trucs-là ?

— Je te dis de te taire…

Ils abordaient la rive d’Orta-Keuï : ils débarquèrent et se glissèrent, chargés de leurs curieux fardeaux, dans les jardins de l’ancien sultan. Ils ne risquaient de rencontrer personne dans ce quartier désert ni dans les jardins abandonnés à cette heure de la nuit.

Ils y pénétrèrent en sautant par-dessus un mur, sans hésitation, bien qu’il fît très noir, la lune ayant disparu à nouveau sous les nuages accourus du Nord vers la Marmara.

Les deux jeunes gens semblaient connaître parfaitement le chemin et sans doute l’avaient-ils beaucoup fréquenté les nuits précédentes.

La route qu’ils avaient à faire à travers les jardins était longue, mais ils ne s’attardaient pas à rêver en ces lieux historiques, qui virent tant de choses… tant d’horribles choses…

Les palais et les jardins d’Yildiz-Kiosk occupent les sommets et les pentes des collines de Bechick-Tach et d’Orta-Keuï, ainsi que les vallées intermédiaires. Tout cela est immense. C’est là que, prisonnier volontaire, Abdul-Hamid a vécu trente-deux ans, entouré d’un peuple de courtisans, d’espions, de parasites. C’est d’Yildiz, racontait-on, que, chaque nuit, partaient des condamnés à la mort, à l’exil, à la déportation.