Aller au contenu

Page:Leroux - Les Étranges Noces de Rouletabille, 1918.djvu/54

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

50
LES ÉTRANGES NOCES

cependant il eut la force de serrer sur son cœur le loqueteux avec la joie d’un père retrouvant son enfant.

— Dieu soit loué, Cyrille, je te retrouve. On te croyait mort ! Et je t’ai pleuré longtemps, fidèle compagnon de ma jeunesse !…

Dotchov se rassied, car ses vieilles jambes n’ont plus la force de le supporter après une émotion semblable !

— Mais parle ! parle ! dit-il à Cyrille. Raconte-nous ton histoire. Tu as donc échappé, toi aussi, aux bachi-bouzouks ? Je croyais qu’ils t’avaient fusillé, ce jour maudit…

— Est-ce le moment de parler ? demanda Cyrille à Athanase.

— Après le mouton… dit Athanase.

Alors Athanase fait servir le mouton. Le pope Goïo s’est tranché un morceau avec le cimeterre du sultan et le dévore après un rapide signe de croix orthodoxe. Dotchov a fait une place près de lui à Cyrille, célèbre pour ses malheurs, Et, en dépeçant la viande odoriférante, avec leurs doigts, ils se renvoient vingt anecdotes du temps qu’ils couraient les grands bois du Balkan et de l’Istrandja pour échapper aux bachi-bouzouks.

Enfin, il y eut une distribution de raki ; les filles qui dansaient le choro s’arrêtèrent et le gaïda se tut.

— Voilà le moment ! Voilà le moment ! disait