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Page:Leroux - Les Étranges Noces de Rouletabille, 1918.djvu/57

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DE ROULETABILLE
53

— Oui, oui ! Neia ! le berger Neia ! nous en avons souvent parlé avec Ivan. Pauvre Neia !

— On peut le plaindre… En arrivant au chalet, Neia s’était enfoncé une épine dans le pied ; ça, il faut s’en souvenir.

— Oui, oui…

— Même qu’il nous a dit qu’il n’avait pas de chance… que les Turcs lui avaient donné plus de vingt-cinq fois la bastonnade, qu’ils l’avaient fait agenouiller cinq fois, pour lui couper la tête… et qu’ils l’avaient dépouillé quinze fois de tout ce qu’il possédait… Mais il était surtout tourmenté d’être allé si peu à l’église… et le père d’Athanase lui dit alors : « Console-toi, Neïa, après une telle vie tu pourras passer aisément saint et martyr ! » Et il répondit : « Surtout avec mon épine dans le pied ! » Or tu te rappelles ce qui est arrivé à cause de cette épine ?

— Ma foi, non, Cyrille…

— Eh bien ! il faut t’en souvenir… C’est à cause d’elle que Neia n’a pu aller aux provisions au village et qui est-ce qui s’est risqué du côté du viilage ? c’est toi, Dotchov !

— Bien sûr ! Il fallait bien que quelqu’un se dévouât…

— Sûr, ça ne pouvait être le père d’Athanase dont la tête avait été mise à prix : 10 000 piastres !…

— Oh ! je me rappelle, j’ai rapporté du lait, du pain et du tabac !

— Et tu étais gai et tu t’es mis à chanter en fumant