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Page:Leroux - Les Étranges Noces de Rouletabille, 1918.djvu/93

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DE ROULETABILLE
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Ils avaient vu les pauvres paysans bulgares assassinés par les Turcs : maintenant, ils regardaient avec horreur les familles turques massacrées par les Bulgares.

Par les soupiraux de la cave, rien ne leur échappait de ce qui se passait sur la place où s’étaient réfugiés, derrière la porte à demi consumée de la mosquée, des femmes et des enfants. Les malheureuses victimes poussaient des cris déchirants et tendaient en vain des mains suppliantes… Les comitadjis qui, tous, avaient quelque membre de leur famille à venger, n’en épargnaient aucune. Longtemps Rouletabille et ses compagnons devaient être poursuivis par le hideux cauchemar de cette affreuse nuit. Misérable terre où depuis des siècles s’accumulaient tant de sujets de discorde ; les uns et les autres se la disputaient au nom de la justice et de la fraternité, prétendant chacun qu’ils avaient des populations asservies à délivrer !

— Eh bien ! ils les délivrent tous ! exprimait avec une amère mélancolie le brave La Candeur… Oui, ils les délivrent de la vie !… Quand les Turcs ont passé et que les Bulgares sont partis, la population peut être tranquille, elle n’existe plus !…

Et il conclut, étrangement prophétique : « Au fond, ces gens-là ont les mêmes goûts. Ils doivent être de la même race : ils ne sont pas faits pour se combattre, mais pour s’entendre !… »

Ivana s’était détournée pour ne point voir et Rou-