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Page:Leroux - Mister Flow.djvu/166

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n’est qu’un fossé séparant de droite et de gauche les propriétés riveraines :

— Allons, ne soyez pas stupide, dear… Venez avec moi, je pourrais me noyer !

Soudain, furieux contre moi-même, ; e fais sauter mes souliers. Et voilà que, moi aussi, je chausse les sandales. Tout cela en grognant je ne sais quoi de fort désagréable pour l’amour-propre des femmes dont on ne saurait mesurer l’extravagance. Mais elle ne fait qu’en rire, tout en surveillant le boulevard désert. Puis elle me prend le bras, gentiment, et nous voici dans le ruisseau. Tout juste si nous avons de l’eau au-dessus de la cheville :

— C’est épouvantable, ce fleuve déchaîné, raille Helena, merci, Rudy, d’être descendu dans cet abîme ! je vois que vous m’aimez vraiment !

Elle compte les portes, à gauche. À la troisième, elle s’arrête, grimpe sur le talus, inspecte. Elle est séparée d’un très grand jardin, planté d’arbres, par un treillis de fer et cette petite porte. À ce moment, il y a des grognements dans l’ombre et deux énormes chiens bondissent, prêts à nous dévorer. Elle leur parle, fouille dans sa poche et leur jette deux boulettes. Ils ont bon appétit, c’est vite fait. C’est effrayant, foudroyant. Une double plainte sourde et puis, plus rien, le silence. Elle redescend près de moi, me tasse avec elle contre le talus. Je ne respire plus. Je crois que nous courons les plus grands dangers : cinq minutes ainsi, j’ai les pieds glacés. Je tente un dernier effort :

— Il est encore temps. Réfléchissez !