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Page:Leroux - Rouletabille chez les bohémiens, paru dans Le Matin, 1922.djvu/150

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Odette, depuis qu’elle avait chassé Zina, était restée prostrée au fond de sa roulotte. Elle avait bien entendu toute la rumeur qui s’était élevée dans le camp depuis l’arrivée du messager de Sever-Turn, mais depuis quelques jours elle était tellement habituée à ces bruits et à ces cris insolites qu’elle n’y prenait plus garde. C’étaient toujours de nouveaux groupes de cigains qui accouraient à sa rencontre pour lui faire cortège, et demandaient tout de suite à la voir…

Aussi, quand elle entendit ouvrir la porte derrière elle, se prépara-t-elle à recevoir les nouveaux venus avec la même grâce qu’elle avait reçu, tout à l’heure, la vieille Zina…

Elle se retourna d’un mouvement rageur et resta stupéfaite devant un homme qui, certainement, ne lui était pas inconnu. La petite lampe éclairait en plein ce nouveau visage…

— Vous ne me reconnaissez pas, mademoiselle ? Je suis Hubert de Lauriac !

D’un bond, elle fut sur ses petites pattes…

— Vous… vous ici !…

Lauriac avait déclaré à Sumbalo, en invoquant l’autorité du patriarche, qu’il lui fallait parler en particulier à la petite reine, et le chef de tribu n’avait vu aucun inconvénient à le laisser seul un instant avec elle…

— Oui ! moi ! fit-il… N’avez-vous pas confiance en moi ?…

Elle ne répondit pas tout d’abord ! Cependant, elle savait qu’Hubert l’adorait et qu’il ne pouvait être venu là que dans le dessein de l’enlever aux bohémiens… Après on verrait !… Très émue, haletante, elle demanda des nouvelles de son père…

— C’est lui qui m’envoie ! fit Hubert, profitant immédiatement de l’ignorance d’Odette…

— Et Jean ! et Rouletabille !… Rouletabille est venu à New-Wachter, je le sais !…

— Jean est resté en France, déclara Hubert… Quant à Rouletabille, il a été grièvement blessé à New-Wachter en voulant arracher son domestique Olajaï à la vengeance de la bande qui vous entoure !

Cette dernière déclaration répondait si bien aux faits qui étaient à sa connaissance qu’elle ne put mettre en doute la parole d’Hubert… Mais comme son pauvre cœur s’était glacé en apprenant que Jean était resté en France et n’avait rien tenté pour la sauver !… En somme, elle ne pouvait compter que sur Hubert qui, malgré tous les obstacles et au péril de sa vie, était parvenu jusqu’à elle… Elle n’avait plus d’es-