Aller au contenu

Page:Leroux - Rouletabille chez les bohémiens, paru dans Le Matin, 1922.djvu/159

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ainsi était-il apparu à Rouletabille dans les bois de New-Wachter, mais ç’avait été pour le chasser ! Cette fois, il ne paraissait point pressé de se séparer de Jean.

— Me reconnais-tu ? lui dit-il.

— Non, lui répondit le jeune homme… Les gens de ta race comptent si peu pour moi !… mais je me doute un peu que tu n’es pas un ami !…

— Je suis celui qui aimait Callista et à qui tu l’as volée ! répliqua l’autre avec âpreté.

— Eh bien, fit Jean, nous sommes quittes ! Je n’aimais pas Callista, moi !… mais j’aimais une jeune fille que tu m’as ravie ! Andréa, puisque c’est Andréa qu’on t’appelle… veux-tu gagner une fortune ?… Pour ce qui est de cette Callista, sois désormais tranquille, je ne te la reprendrai pas ! mais aide-moi à retrouver Mlle de Lavardens et je te ferai riche !

L’autre répondit à cette offre par un rire éclatant auquel d’autres rires non moins significatifs vinrent se joindre.

Jean tourna la tête et constata qu’il était entouré d’une douzaine de bohémiens armés qui le considéraient avec les plus méchantes mines du monde !…

Il fit quelques pas pour sortir du cercle qui l’enveloppait, mais il se heurta à des poitrines solides comme des murailles, à des gestes qui le repoussèrent.

— Tu es notre prisonnier ! déclara Andréa.

— Nous ne rentrerons pas bredouilles au camp ! exprima Monoko, le rétameur, avec le plus pur accent de Pézenas…

Jean se retourna alors vers celui-ci :

— Tu es un pays ! lui dit-il, et nous pourrons peut-être nous entendre si tu es moins sauvage qu’eux !… Ce que tu viens de dire semble signifier que vous n’avez pas pu rejoindre la jeune fille des Camargues. Renseigne-moi, tu ne t’en repentiras pas !…

L’autre haussa les épaules et lui tourna le dos.

— Allons ! suis-nous, fit Andréa…

Et il dut les suivre. En somme, c’était lui qui était venu se jeter dans leurs mains… Ne l’ayant pas trouvé dans les roseaux, ils l’avaient cherché dans le bois et y étaient restés en attendant l’aurore. De là, ils pouvaient surveiller toute la plaine et ils avaient vu venir Jean… Il paraissait évident qu’Odette avait réussi à leur échapper !

Cette idée qu’elle avait été sauvée par Hubert ne le remplissait toujours pas d’une joie immense…