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Page:Leroux - Rouletabille chez les bohémiens, paru dans Le Matin, 1922.djvu/210

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Le patriarche, s’adressant à Hubert, prononçait des paroles que Jean ne comprenait pas, mais dont il devinait le sens et que nous pouvons traduire ainsi : « N’oublie jamais que tu n’es roi que par la volonté de notre reine, fais le serment que tu la serviras comme le plus fidèle et le dernier de ses sujets et que tu n’auras d’autre volonté que les siennes ! Jure que tu t’inclineras toujours devant le conseil des vieillards et que, désormais, tu appartiens au patriarcat corps et âme ! »

Puis, tourné vers la queyra, le patriarche lui dit, pendant que des jeunes filles s’approchaient d’elle avec le bandeau royal :

— Et toi, ma fille, toi qui es de la race, et déjà sacrée par les Écritures, reçois cette couronne des mains de ton peuple !

Or, à ce moment, l’événement tant redouté par Hubert se produisit et l’on vit surgir Rouletabille au milieu du chœur, sortant d’on ne sait où et bousculant toute la cérémonie…

En même temps il s’écriait :

— Peuple, on t’a trompé !… Celle-ci n’est pas une romanée !… Celle-ci n’est pas la queyra qui t’a été promise !…

Le plus beau est que ces phrases il les jetait d’une voix retentissante, en langue romanée ! Nous avons su depuis qu’il les avait apprises de Zina dans le désir d’être compris de tous.

Le désordre qui suivit fut encore plus grand que lors de la précédente intervention… Cette fois, il y avait véritablement sacrilège, car il avait été officiellement constaté qu’Odette avait « le signe ». Aussi la fureur fut extrême contre ce fou qui avait l’audace incroyable de répéter, dans un pareil moment son premier mensonge ! Les gardes s’étaient emparés de lui. Andréa, ivre d’une colère sacrée, levait déjà sur lui un poing armé, mais Rouletabille parvint encore à échapper aux mains qui le déchiraient, cependant que tout le peuple criait : « À mort ! À mort ! Elle a le signe !… Elle a le signe ! »

Le reporter avait bondi vers Odette qui s’était levée, éperdue, et devant laquelle Hubert s’était placé. Mais Hubert fut renversé et Rouletabille arrachant le manteau royal dont la queyra était revêtue, mettait à nu son épaule, s’écriait :

— Regardez !… Regardez tous !… Elle n’a plus le signe !

Et c’était vrai que le signe de la couronne avait disparu. Sur l’épaule de neige aucune marque ne se voyait plus. Ceux qui l’a-