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Page:Leroux - Rouletabille chez les bohémiens, paru dans Le Matin, 1922.djvu/222

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Carnet de Rouletabille : « Et maintenant voici le grand jeu. Il n’y a que lui qui peut nous sauver !… Mais il est terriblement dangereux… pour moi… car, ce jeu-là, il y en a beaucoup qui ne me le pardonneront jamais !… Il faut que les choses en soient à cette extrémité pour que je n’hésite pas à me dépouiller de ma plus riche armure !… Allons ! pour celle-là aussi l’heure de la ferraille a sonné ! Hélas ! je sortirai tout nu pour longtemps de ce bric-à-brac de Sever-Turn !… Mais ne faut-il pas en sortir ? et surtout en faire sortir les autres ?… Allons ! du courage !… À la Pieuvre !… à la Pieuvre !… »

Ce sont là les dernières lignes que Rouletabille a tracées sur son carnet. Les événements qui suivirent et qui terminèrent d’une façon si curieuse cette étrange et redoutable affaire n’ont été connus de la presse que dans leurs grandes lignes et rapportés assez brièvement.

Il y avait, certes, bien des raisons pour que les détails n’en fussent point tout de suite divulgués ; aujourd’hui que ces raisons, que nous ferons bientôt connaître, n’existent plus, nous allons pouvoir, grâce à certains témoignages qui sont parvenus récemment à notre connaissance, suivre les dernières péripéties du drame, à Sever-Turn d’abord, à Paris ensuite…

Les gardes qui accompagnaient Rouletabille avaient reçu l’ordre de le suivre partout mais de lui obéir en tout. Seulement ils devaient être de retour au palais une heure plus tard, avec leur prisonnier. Rouletabille avait donc une heure pour retrouver la Pieuvre.

Par des chemins détournés qu’il connaissait mieux que ses gardes, il évita le populaire qui s’entassait sur le parvis du temple et faisait en quelque sorte le siège du palais… ainsi arriva-t-il sans trop d’encombre à l’Hôtel des Balkans, où il fut accueilli par les malédictions de Vladislas Kamenos.

On avait failli mettre le feu à l’hôtel et le patron rendait le reporter et ses amis responsables sinon d’un incendie qui n’avait pas eu lieu, du moins du pillage qui l’avait remplacé. Tous ses clients, naturellement avaient fui sans payer leurs notes !

— Même M. Tournesol ? questionna Rouletabille.

— Vous pensez ! et il n’est pas près de revenir ! On a pillé les entrepôts de M. Tournesol comme on a pillé ma cave ! Encore un qui vous bénit !…

— Est-il parti tout seul, monsieur ? de-