Page:Les Caquets de l'Accouchée.djvu/138

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— Ainsy va le temps d’aujourd’huy, dit la mère de l’accouchée ; les filles donnent tant de privauté aux jeunes gens, que bien souvent ils empruntent un pain sur la fournée, et puis, quand quatre mois après le mariage madame vient à accoucher, c’est à se plaindre entre nous : Hélas ! ma pauvre fille n’a point porté son fruict à terme, elle a faict quelque effort ! Et tous les efforts qu’elles font, c’est qu’elles marchent quelquefois sur la platte d’une orange, et glissent dans un lieu infame.

— Il y en a qui ne sont point en ceste peine (dit une dame d’honneur), car dès l’aage de six ans, ils placent leurs filles en religion, sans sçavoir si elles y sont propres ou non, et bien souvent il faut sauter les murailles.

— Aussi vray, Madame, dit sa voisine, vous ne rencontrastes jamais mieux ; la pluspart le font pour agrandir leurs maisons, les autres pour des considerations particulières ; mais tous en general, et les parents et les religieuses, ne songent qu’à leur profit.

— Pour faire bien maintenant son profit, dit la femme d’un certain receveur, il faut s’associer avec ceux qui tiennent la ferme du sel62 et avec les commissaires des guerres : les premiers font


62. Les receveurs y faisoient de très gros profits ; aussi le sel devenoit-il chaque jour plus cher et les plaintes plus fré-