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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/268

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THUCYDIDE, LIV. IV.

portes à Brasidas et aux commandans des villes, les reçurent comme vainqueurs des Athéniens, qui avaient refusé le combat, et entrèrent avec eux en conférence, laissant la faction d’Athènes frappée de terreur. Enfin les alliés se séparèrent par républiques, et Brasidas retourna dans la Corinthie pour y continuer les préparatifs de l’expédition de l’Épithrace, qu’il avait interrompus.

Après le départ des Athéniens, ceux de Mégares qui avaient le plus chaudement embrassé leur parti se retirèrent promptement, sachant qu’on les connaissait bien. Les autres conférèrent avec les amis des exilés. On rappela ceux-ci de Péges, en exigeant d’eux les sermens les plus solennels de ne conserver aucun ressentiment et de ne travailler qu’au bien de la république. Mais, élevés ensuite aux magistratures, ils rangèrent séparément, dans une revue, chaque cohorte, choisirent jusqu’à cent hommes de leurs ennemis, ou de ceux qui passaient pour avoir été les plus favorables aux Athéniens, et forcèrent le peuple à donner son suffrage à haute voix sur ces malheureux, qui furent condamnés à mort et exécutés. Ils mirent la république sous un régime presque entièrement oligarchique, qui, né de la sédition, fut de longue durée.

Chap. 75. Le même été, Démodocus et Aristide, généraux envoyés d’Athènes pour recueillir les tributs, étant sur l’Hellespont (leur collègue Lamachus venait d’entrer, avec dix vaisseaux, dans le Pont-Euxin), apprirent que les Mityléniens avaient conçu le projet de fortifier Antandros, et se disposaient à l’exécuter. À cette nouvelle, ils craignirent qu’il n’en fût de cette place comme d’Anée, qui touchait à Samos. Les exilés samiens s’en étaient fait une retraite, d’où ils favorisaient la navigation des Péloponnésiens, en leur envoyant des pilotes ; ils excitaient le trouble parmi les Samiens de la ville, et donnaient un refuge aux proscrits. Les deux généraux athéniens rassemblèrent donc une armée qu’ils composèrent d’alliés de leur république, mirent en mer, battirent ceux d’Antandros sortis à leur rencontre, et reprirent la place.

Peu de temps après, Lamachus, qui était entré dans le Pont, ayant relâché sur les bords du Calex, dans l’Héracléotide, perdit ses vaisseaux entraînés par le cours rapide du fleuve, qu’une pluie abondante avait grossi soudainement. Il retourna par terre, avec son armée, à travers le pays des Thraces-Bithyniens, et vint à Chalcédoine, colonie de Mégares, à l’embouchure du Pont-Euxin.

Chap. 76. Le même été, Démosthène, général athénien, n’eut pas plus tôt quitté la Mégaride, qu’il vint à Naupacte avec quarante vaisseaux. Quelques habitans des villes de la Béotie travaillaient avec lui et avec Hippocrate à changer la constitution béotienne, et à la rendre purement démocratique, comme celle d’Athènes. À la tête du complot était Ptéodore, banni de Thèbes. Voici les mesures qu’ils avaient prises : des traîtres devaient livrer Syphes, place maritime de la Thespie, sur les bords du golfe Crisa ; d’autres s’engageaient à faire tomber en leur pouvoir Chéronée, ville dépendante d’Orchomène, autrefois surnommée Minyenne, aujourd’hui Béotienne. Les bannis d’Orchomène, qui prenaient la part la plus active à ces machinations, soudoyèrent des troupes tirées du Péloponnèse. Chéronée, dernière ville de la Béotie, touche à la Phanotide de la Phocide : aussi quelques Phocéens étaient du complot. Il fallait que les Athéniens prissent Délium, hiéron d’Apollon, situé dans la Tanagrée et regardant l’Eubée. Tous ces coups devaient, à un jour déterminé, se frapper à-la-fois, pour que les Béotiens,