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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/328

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THUCYDIDE, LIV. V.

naissent que lorsqu’elle les a trompés ; et alors il ne leur reste plus d’occasion où ils puissent user d’une prudente méfiance. Vous êtes faibles, au moindre mouvement, la balance de la fortune va décider de votre sort ; n’en courez pas le risque, et n’imitez pas tant de gens qui, ayant encore des ressources humaines pour se sauver, ne se voient pas plus tôt aux abois et privés d’espérances fondées, qu’ils se retranchent dans les illusions, telles que les promesses des devins, les prédictions des oracles, et autres ressources semblables, qui perdent en inspirant un faux espoir. »

Chap. 104. Les Méliens. « Nous pensons aussi nous-mêmes, soyez-en convaincus, qu’il est difficile, avec des forces inégales, de lutter contre votre puissance et contre la fortune. Nous espérons de la faveur des dieux que nous n’aurons pas le dessous, parce que c’est ici le bon droit qui repousse l’injustice. Quant à la puissance, nous retrouverons ce qui nous manque dans l’alliance des Lacédemoniens ; alliance qui les oblige de nous secourir, soit à cause des rapports de parenté, soit par respect pour eux-mêmes. Notre confiance n’est donc pas, à tous égards, si dénuée de fondement. »

Chap. 105. Les Athéniens. « Nous ne croyons pas avoir moins de droits que vous à la bienveillance des dieux : car, soit dans nos principes, soit dans nos actions, rien n’est contraire à ce que pensent ou veulent les hommes ; à ce qu’ils pensent relativement aux dieux, à ce qu’ils veulent pour eux-mêmes. Nous croyons, d’après l’opinion générale, que les dieux, et d’après l’experience, que les hommes sont de tout temps déterminés, comme par une nécessité naturelle, à dominer partout où ils ont la force. Ce n’est pas même une loi que nous ayons créée ; ce n’est pas nous qui les premiers avons profité de son institution : nous l’avons trouvée en vigueur ; nous l’exécutons, et nous la laisserons subsistante à jamais. Vous-mêmes, et tous autres, au même degré de puissance, en feriez le même usage. Ainsi, vraisemblablement, nous n’avons pas lieu de craindre que les dieux nous soient moins propices qu’à vous. Quant à l’opinion que vous avez des Lacédémoniens, et qui vous persuade que le respect pour eux-mêmes les mettra dans la nécessité de vous secourir, nous admirons votre candeur, mais nous n’envions pas votre prudence. Les Lacédémoniens ! ils sont le peuple le plus vertueux lorsqu’il s’agit d’eux-mêmes et de leurs institutions : mais sur leur politique à l’égard des autres, que de choses à dire ! Pour renfermer en peu de mots ce qui serait susceptible de longs développemens, affirmons qu’entre tous les peuples bien connus de nous, ce sont eux surtout qui trouvent honnête ce qui leur plaît, et très juste ce qui leur est utile. Certes, une telle morale justifie mal votre folle sécurité. »

Chap. 106. Les Méliens. « Et c’est précisément d’après le jugement que vous en portez, que nous comptons davantage sur eux ; car leur propre intérêt les empêchera de trahir la cause des Méliens. Un pareil abandon inspirerait la défiance à ceux des Hellènes qui sont leurs amis, et tournerait à l’avantage de leurs ennemis. »

Chap. 107. Les Athéniens. « Vous ne songez donc pas que l’intérêt personnel recherche sa propre sûreté, et que la justice et l’honnêteté agissent à travers les dangers : or les Lacédémoniens sont loin de vouloir s’y exposer. »

Chap. 108 Les Méliens. « Nous pensons au contraire qu’ils les braveront d’autant plus volontiers pour nous, et nous regarderont comme des amis d’au-