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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/790

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ARRIEN, LIV. I.

Parménion conseille à Alexandre de tenter le sort d’un combat naval. Parmi les causes qui lui faisaient croire que les Grecs remporteraient la victoire, il plaçait le plus heureux augure. En effet, de la poupe du vaisseau d’Alexandre, on avait vu un aigle s’abattre sur le rivage. La victoire promettait par la suite les plus heureux succès ; un échec n’entraînait pas de grands désavantages ; l’empire de la mer restait aux Persans. Il ajouta qu’il offrait de s’embarquer et de partager les périls.

« Parménion se trompe ; il interprète mal l’augure, répondit Alexandre. Quelle imprudence d’attaquer avec des forces inégales, une flotte si nombreuse, de compromettre des soldats inexpérimentés à la manœuvre, avec les hommes les plus exercés sur la mer, les Cypriens et les Phéniciens ! Comment risquer, avec des Barbares, sur un théâtre aussi incertain, la valeur éprouvée des Macédoniens ? Une défaite navale suffirait pour ruiner la première réputation de nos armes. La nouvelle de ce revers ébranlerait la Grèce : après avoir tout pesé, il semble peu convenable, dans ces circonstances de livrer un combat sur mer : l’augure doit s’interpréter différemment ; il est favorable sans doute, mais l’aigle, en s’abattant sur le rivage, semble nous présager que c’est du continent que nous vaincrons la flotte des Perses. »

Sur ces entrefaites, Glaucippe, l’un des premiers citoyens de la ville, député vers Alexandre par le peuple et les troupes qui la défendaient, lui annonce que les Milésiens offrent d’ouvrir également leur port et leurs murs aux Perses et aux Macédoniens, s’il consent de lever le siége à cette condition. Alexandre lui ordonne de se retirer en hâte, et d’annoncer aux Milésiens qu’ils aient à se préparer à le combattre bientôt dans la ville. On approche les machines des remparts ; ayant de suite ébranlé une partie du mur et renversé l’autre, Alexandre fait avancer ses troupes pour pénétrer par la brèche à la vue même des Perses devenus presque témoins passifs à Mycale de la détresse de leurs allies. Nicanor apercevant de Ladé les mouvemens d’Alexandre, côtoya le rivage, et occupant le port à l’endroit où son ouverture se rétrécit, y range de front ses galères, les proues en avant, interdit aux Perses l’entrée et aux Milésiens tout espoir de secours. Ceux-ci, et les étrangers qui les défendent, pressés de tous côtés par les Macédoniens, partie d’entre eux se jettent à la mer, soutenus sur leurs boucliers, et gagnent une petite île voisine, partie se précipitent dans des canots, et sont pris à la sortie du port par les galères auxquelles ils tâchent d’échapper : un grand nombre fut tué dans la ville.

Alexandre, maître de la place, dirige ses vaisseaux contre l’île où plusieurs ont cherché une retraite ; il fait porter à la proue des échelles pour en escalader les escarpemens. Lorsqu’il vit les fugitifs résolus à tout tenter, touché de leur courage et de leur fidélité, il leur proposa de les recevoir dans ses troupes, s’ils voulaient se rendre. Ce qu’ils acceptèrent au nombre de trois cents Grecs à la solde de l’étranger : il donna la vie et la liberté à tous les Milésiens qui avaient échappé au glaive.

La flotte des Perses, quittant Mycale, passa plusieurs fois à la vue de celle des Grecs ; les Barbares espéraient ainsi les engager à un combat naval ; la nuit ils reprenaient leur position peu avantageuse ; car ils ne pouvaient faire de l’eau qu’en remontant jusqu’à l’embouchure du Méandre.

Alexandre tient le port de Milet avec