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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/228

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sertes, et comprenant l’inutilité de tous ces siéges tant que les Venètes seraient maîtres de la mer, César attendit sa flotte qui fut retardée par les vents. Dès qu’elle parut, deux cent vingt bâtimens ennemis, bien équipés, sortirent d’un port, et vinrent au devant d’elle.

César ne nomme pas ce port, ce qui peut faire supposer que ce n’était qu’un havre sans ville un lieu de réunion. L’armée romaine du haut des rochers et des collines put contempler le combat livré très près de la côte.

Decius Brutus eut d’abord quelque désavantage ; les éperons de ses galères heurtaient en vain les vaisseaux gaulois. Les tours qu’il fit élever sur le tillac, selon l’usage des Romains, ne pouvaient encore dominer la poupe des navires de ses adversaires. Il devait craindre aussi des roches peu couvertes, sur lesquelles les Venètes passaient avec facilité.

La sagacité romaine surmonta bientôt tous ces inconvéniens. On avait préparé une arme en usage dans les siéges. Des faux attachées à de longues perches atteignent les cordages, détachent les voiles et rendent les bâtimens immobiles. Les Romains les entourent successivement, montent à l’abordage et massacrent les défenseurs.

Cette défaite entraîne la soumission générale des Venètes. On ne peut dire si la nation était nombreuse ; mais César assure que tous les vaisseaux du pays furent rassemblés pour le combat ; que la jeunesse et les hommes d’un âge viril y montèrent, ainsi que les personnes constituées en dignité.

Ce César, qui a laissé la réputation d’un homme clément, et qui le fut en effet tant de fois envers les Romains, se montra horriblement cruel dans cette circonstance. Le sénat fut mis à mort par ses ordres, et l’on vendit à l’encan tous les autres citoyens.

En rapportant ce fait, César dit qu’il voulut donner un exemple terrible, afin d’apprendre aux Barbares que l’on doit respecter le droit des gens. Mais ces Barbares n’avaient fait périr personne ; et ceux qui venaient acheter ou exiger d’eux peut-être du blé et du bétail, étaient-ils donc des ambassadeurs de qui les droits fussent en effet si inviolables ?

Cette vente d’hommes, de femmes et d’enfans, fut la seconde que César se permit dans les Gaules. Il ne dit point encore à qui l’on vendit tous ces peuples, ni quel prix on en reçut.

De telles rigueurs ne pouvaient captiver les esprits. Les Romains étaient si détestés, que les Aulerkes, les Eburovikes, les Lexoves, habitans d’une partie du pays que l’on appelle aujourd’hui le Maine et la Normandie, massacrèrent leur propre sénat qui ne voulait point déclarer la guerre à Rome. Ils se rangèrent sous les ordres de Viridovix qui grossit son armée de tous ceux que l’espérance du butin arrachait aux soins de l’agriculture.

Yiridovix vint camper à deux milles de Titurius Sabinus, et tous les jours lui présentait la bataille que celui-ci refusait ; en sorte que non seulement Viridovix et sa horde méprisaient les Romains, mais les troupes même de Titurius commençaient à blâmer sa conduite.

Ce général, jugeant par ces plaintes de la sécurité de son ennemi, et de la persuasion où il doit être que la crainte seule retient les légions dans leurs lignes, choisit un Gaulois dont il connaît l’adresse, l’engage par les promesses les plus magnifiques à jouer le rôle de transfuge, et fait prévenir Viridovix qu’il doit décamper de nuit pour marcher au secours de César en danger.