Aller au contenu

Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/282

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 274 —

cette province, n’eussent pas le temps de songer à envahir les Gaules. Ainsi César, en portant d’abord la guerre dans l’Italie, n’avait rien à craindre pour ses derrières.

Après avoir soumis Rome, la Sicile et la Sardaigne, il crut devoir différer la poursuite de son adversaire et résolut de passer en Espagne. C’est qu’il ne voulait pas que les troupes de Pompée s’y fortifiassent et vinssent attaquer, en son absence, la Gaule et l’Italie. Cette campagne de César passe pour un des plus brillans exploits de sa vie militaire ; nous avons donc cru devoir la rapporter ici avec quelques détails. (An 704 de Rome ; 50 av. notre ère.)

L’Espagne fut divisée, par les Romains, en deux parties, la citérieure et l’ultérieure ; et chacune avait son gouvernement.

L’Espagne citérieure occupait tout le côté septentrional, depuis le cap de Finistère jusqu’à l’embouchure du fleuve Durius ; et du pied des Pyrénées, au cap Gata. L’Espagne ultérieure bordait, du nord au couchant, la rive du fleuve Anas, aujourd’hui la Guadiana, et s’étendait ensuite sur l’Océan où est le golfe de Carthagène. La Lusitanie appartenait à cette partie, et fut quelquefois administrée par des gouverneurs particuliers.

Scipion l’Africain avait conquis l’Espagne sur les Carthaginois ; mais elle ne fut jamais entièrement soumise aux armes de Rome. Les révoltes qui la troublaient vinrent surtout de la tyrannie des gouverneurs, et le sénat, qui semblait l’ignorer, fit des efforts extraordinaires pour se maintenir dans la possession d’un pays dont les mines fournissaient une grande partie de l’or qui roulait dans le commerce.

Cette province, d’ailleurs, se montra dans tous les temps la plus florissante de l’empire. Tout ce qui se trouvait dans la plaine et le long des côtes, offrait une riche culture ; les Romains y avaient établi plusieurs colonies qui prospérèrent et s’agrandirent considérablement.

Huit ans s’étaient écoulés depuis que le sénat décernait à Pompée le gouvernement d’Espagne et celui de l’Afrique, avec un pouvoir très-étendu ; mais comme ce général n’osait s’éloigner de Rome dans la crainte de perdre son influence sur les affaires de la république, il resta en Italie, et fit administrer la province par ses lieutenans. Trois d’entre eux, Varron, Afranius et Petreius, furent choisis par lui pour défendre l’Espagne.

Varron ne se montra pas digne de la confiance dont Pompée l’avait honoré. Il ne fit rien pour seconder les efforts de ses deux collègues : sa conduite démontre au contraire qu’il trahissait son protecteur. Si César, par honneur pour Varron, se tait sur les circonstances de cette défection, nous n’ignorons pas l’attachement qu’il lui témoigna par la suite, et les bienfaits dont il ne cessa de le combler.

Les troupes de César s’avançant vers la chaîne des Pyrénées, Afranius et Petreius, qui avaient fait de grands approvisionnemens, résolurent de rester sur la défensive, et prirent un poste très-avantageux. Afranius commandait trois légions, Petreius, deux, et ils avaient en commun cinq mille chevaux et vingt-quatre cohortes d’infanterie provinciale.

La ville d’Ilerda, ou, comme on l’appelle de nos jours, Lérida, située sur une hauteur au bord de la Sègre, domine une très-belle plaine