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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/462

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POLYBE, LIV. III.

à la guerre de Sicile, les Romains firent avec eux un troisième traité, où l’on voit les mêmes conventions que dans les précédens ; mais on ajoute « que si les uns ou les autres font alliance par écrit avec Pyrrhus, ils mettront cette condition : qu’il leur sera permis de porter du secours à ceux qui seront attaqués ; que, quel que soit celui des deux qui ait besoin de secours, ce seront les Carthaginois qui fourniront les vaisseaux, soit pour le voyage, soit pour le combat ; mais que les uns et les autres paieront à leurs frais la solde à leurs troupes ; que les Carthaginois secourront les Romains même sur mer, s’il en est besoin, et qu’on ne forcera point l’équipage à sortir d’un vaisseau malgré lui. »

Ces traités étaient confirmés par des sermens. Au premier, les Carthaginois jurèrent par les Dieux de leurs pères, et les Romains une pierre en main, suivant un ancien usage, par Mars et Enyalius. Le jurement par une pierre se faisait ainsi : celui qui confirmait un traité pas un serment, après avoir juré sur la foi publique, prenait une pierre dans la main et prononçait ces paroles : « Si je jure vrai, qu’il m’arrive du bien ; si je pense autrement que je ne jure, que tous les autres jouissent tranquillement de leur patrie, de leurs lois, de leurs biens, de leurs pénates, de leurs tombeaux, et que moi seul je sois brisé comme l’est maintenant cette pierre. » Et en même temps il jetait la pierre.

Ces traités subsistent encore, et se conservent sur des tables d’airain au temple de Jupiter Capitolin dans les archives des édiles. Il n’est cependant pas étonnant que Philin ne les ait pas connus ; de notre temps même il y avait de vieux Romains et de vieux Carthaginois qui, quoique bien instruits des affaires de leur république, n’en avaient aucune connaissance. Mais qui ne sera surpris que Philin ait osé écrire tout le contraire de ce que l’on voit dans ces anciens monumens : qu’il y avait entre les Romains et les Carthaginois un traité par lequel toute la Sicile était interdite à ceux-là, et à ceux-ci toute l’Italie ; et que les Romains avaient violé le traité et leur serment, lorsqu’ils avaient fait leur première descente en Sicile. Il parle de ce traité comme s’il l’avait vu de ses propres yeux, quoique jamais pareil traité n’ait existé, et qu’il ne se trouve nulle part. Nous avions déjà dit quelque chose de ces traités dans notre introduction, mais il fallait ici un détail plus exact, pour tirer d’erreur ceux à qui Philin en avait imposé.

À regarder cependant la descente que les Romains firent dans la Sicile du côté de l’alliance qu’ils avaient faite avec les Mamertins, et du secours qu’ils avaient porté à ce peuple, malgré la perfidie avec laquelle il avait surpris Messène et Rhegio, il ne serait pas aisé de la justifier de tout reproche. Mais on ne peut dire sans une ignorance grossière, que cette descente fût contraire à un traité précédent.

Après la guerre de Sicile on fit un quatrième traité, dont voici les conditions : « Que les Carthaginois sortiront de la Sicile et de toutes les îles qui sont entre la Sicile et l’Italie ; que de part ni d’autre on ne fera aucun tort aux alliés ; que l’on ne commandera rien dans la domination les uns des autres ; que l’on n’y bâtira point publiquement ; qu’on n’y lèvera point de soldats ; qu’on ne fera point d’alliance avec les alliés de l’autre parti ; que les Carthaginois paieront pendant dix ans deux mille deux cents