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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/463

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POLYBE, LIV. III.

talens, et cent d’abord après le traité ; que les Carthaginois rendront sans rançon tous les prisonniers qu’ils ont faits sur les Romains. »

La guerre d’Afrique terminée, les Romains ayant porté un décret pour déclarer la guerre aux Carthaginois, on ajouta ces deux conditions, « que les Carthaginois abandonneront la Sardaigne, et qu’ils paieront douze cents talens au-delà de la somme marquée ci-dessus. »

Enfin, dans le dernier traité, qui fut celui que l’on fit avec Asdrubal dans l’Espagne, on convint de ce nouvel article : « Que les Carthaginois ne feraient pas la guerre au-delà de l’Èbre. » Tels sont les traités conclus entre les Romains et les Carthaginois jusqu’au temps d’Annibal, et l’on voit que les Romains pouvaient passer en Sicile sans violer leurs sermens. Mais il faut avouer qu’au temps où ils conclurent le traité relatif à la Sardaigne, ils n’avaient ni cause ni prétexte plausibles de susciter une seconde guerre aux Carthaginois. Il est de notoriété publique que ce fut contre la foi des traités que l’on força les Carthaginois, dans des circonstances fâcheuses, à sortir de la Sardaigne et à payer le tribut énorme dont nous avons parlé. En vain les Romains objectent que leurs marchands furent maltraités en Afrique pendant la guerre des soldats mercenaires ; cette faute était pardonnée depuis que les Romains, ayant reçu des Carthaginois dans leurs ports, leur avaient remis par reconnaissance et sans rançon tous les prisonniers Carthaginois qu’ils avaient chez eux.




CHAPITRE VI.


Lequel des deux peuples est cause de la seconde guerre punique. — Raisons de part et d’autre. — Utilité de l’histoire. — Avantages d’une histoire générale sur une histoire particulière.


Il nous reste à examiner à qui, des Romains ou des Carthaginois, l’on doit attribuer la guerre d’Annibal. Nous avons vu ce que disaient ceux-ci pour se justifier : voyons maintenant, non pas ce que disaient les Romains de ce temps-là, car ils étaient alors si indignés du sac de Sagonte, qu’ils ne pensaient point aux raisons qu’on leur prête aujourd’hui ; mais ce que ceux de nos jours ne cessent de répéter. Ils disent donc premièrement que les Carthaginois avaient grand tort de ne faire aucun cas des conventions faites avec Asdrubal ; qu’il n’en était pas de ce traité-là comme de celui de Luctatius, où l’on avait ajouté « qu’il serait authentique et inviolable, si le peuple le ratifiait ; » au lieu qu’Asdrubal avait fait le sien avec pleine autorité ; que ce traité portait en termes exprès « que les Carthaginois ne passeraient pas à main armée au-delà de l’Èbre. » Il est vrai, comme l’assurent les Romains, que, dans le traité fait au sujet de la Sicile, il était porté « que les alliés des deux nations seraient en sûreté chez l’une comme chez l’autre, » et que par ces alliés on ne doit pas seulement entendre ceux qui l’étaient alors, comme le prétendent les Carthaginois ; car on aurait ajouté « que l’on ne ferait point d’autres alliés que ceux que l’on avait déjà ; » ou bien « que les alliés que l’on ferait après le traité n’y étaient pas compris. » Puis donc que l’on ne s’est exprimé ni de l’une ni de l’autre façon, il est évident que les alliés des deux états, soit présens, soit à venir,