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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/81

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ils ne passèrent pas même, dans leurs excursions, les rochers du Taurus, quoique leur réputation les fit redouter au-delà. Ils exigèrent des tribus de plusieurs peuples du voisinage ; on dit même aussi de quelques rois scythes ; mais on parvint à les contenir dans les limites d’un petit pays qui, de leur nom, fut appelé Galatie.

Les rois de Syrie, de Pont, de Cappadoce, de Bythinie, de Pergame, et bientôt après ceux des Parthes qui vinrent enlever la Perse aux conquérans grecs, ne laissèrent pas les Galates faire de grandes irruptions, ni changer de demeures. Ils étaient vingt mille quand ils traversèrent en Asie ; et comme les eaux du Pont-Euxin, du Bosphore, de la Propontide, de l’Hellespont, de la mer Égée, formaient, au Nord, et à l’Occident, une barrière qui empêchait que de nouveaux Barbares ne vinssent les joindre, et ne réveillassent leur humeur inquiète, ils restèrent toujours peu nombreux, quoique leur population ait dû s’accroître sous le ciel fécond de ces belles contrées.

Leur gloire est d’avoir maintenu leur indépendance pendant deux cent cinquante ans contre les rois de Syrie, de la Bythinie, et du Pont, jusqu’à ce qu’enfin les Romains, ayant envahi tous ces royaumes, les entraînèrent avec eux ; comme un torrent après avoir ravagé toute une campagne, déracine un arbrisseau qu’il rencontre sur sa route.

Dans une de leurs courses, les Gaulois se jetèrent sur la ville de Milet ; ils pillèrent Éphèse dans une autre course, si toutefois on s’en rapporte à ce que raconte Plutarque dans ses parallèles.

Une jeune éphésienne, éprise, dit-il, d’un fol amour pour le chef des Gaulois, l’introduisit dans la ville, à condition qu’il lui donnerait en présent tous les bijoux d’or convenables à son sexe. Et le barbare, après l’avoir promis, lui fit jeter à la tête l’or qu’il avait pillé, de sorte qu’elle périt étouffée sous le faix ; digne prix de sa trahison, de son amour, et de sa confiance dans les paroles d’un brigand.

Je crois que Plutarque est le seul auteur de l’antiquité qui parle de cet événement dont la date reste inconnue. Les bénédictins, auteurs de l’Histoire des Gaules, et les écrivains postérieurs qui les ont copiés, supposent qu’Éphèse fut prise dans le temps même qu’Alexandre subjuguait la Perse. C’est une erreur bien étrange. Les Gaulois n’avaient pas encore quitté les bords du golfe Adriatique ; car ils devaient traverser une grande partie de l’empire de ce jeune conquérant, passer ensuite le Bosphore, l’Hellespont, quoiqu’ils ne possédassent pas un vaisseau, et qu’aucune ville n’eût osé leur en fournir.

S’ils avaient fait une telle incursion, tous les auteurs en parleraient, les orateurs d’Athènes surtout ne pouvaient manquer de le reprocher à ce prince dont ils redoutaient la grandeur.

Ces deux bénédictins allèguent ce fait sans la moindre preuve. Ils avouent bien que les auteurs anciens et modernes font passer les Gaulois en Asie sur les vaisseaux d’Antipater et de Nicomède ; mais ils ajoutent : « les anciens et les modernes se sont trompés. » Pausanias, disent-ils (et c’est leur seule preuve), après avoir raconté comment les Gaulois furent repoussés devant Delphes, termine son récit par ces mots : « L’année suivante les Gaulois passèrent de nouveau en Asie. »

Une inadvertance arrive plus aisément à un bon écrivain, qu’une incursion ne se fait dans les états d’un grand roi. Un tel mot ne peut prévaloir, d’une part, sur le silence de tous les auteurs contemporains du règne d’Alexandre,