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Page:Locke - Du gouvernement civil, 1795.djvu/114

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Du Gouvernement Civil,

or, la loi de la raison ne pouvant être manifestée et connue, que par la raison seule, il est clair que celui qui n’est pas encore parvenu à l’usage de sa raison, ne peut être dit soumis à cette loi : et aussi par un enchaînement de conséquences, les enfans d’Adam n’étant point dès qu’ils sont nés, sous cette loi de la raison, ne sont point non plus d’abord libres. En effet, une loi, suivant sa véritable notion, n’est pas tant faite pour limiter, que pour faire agir un agent intelligent et libre conformément à ses propres intérêts : elle ne prescrit rien que par rapport au bien général de ceux qui y sont soumis. Peuvent-ils être plus heureux sans cette loi-là ? Dès-lors cette sorte de loi s’évanouit d’elle-même, comme une chose inutile ; et ce qui nous conduit dans des précipices et dans des abîmes, mérite sans doute d’être rejeté. Quoi qu’il en soit, il est certain que la fin d’une loi n’est point d’abolir ou de diminuer la liberté, mais de la conserver et de l’augmenter. Et certes, dans toutes les sortes d’états des êtres créés capables de loix, où il n’y a point de loi, il n’y a point non plus de liberté. Car la liberté consiste à être exempt de gêne et de violence, de la part d’autrui : ce qui ne sau-