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Page:Londres - L’Âme qui vibre, 1908.djvu/33

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LA TEMPÊTE


Grêle, froide et sifflante, enfin tomba la pluie.
Le ciel, subitement, s’étant plaqué de suie,
Versait, à larges bords, sa nuit sur l’horizon
Qu’un éclair balafra du feu de son tison.
Soudain la voix d’En-Haut remplit la mer obscure,
Et, bientôt, cette voix qui n’était qu’un murmure,
Devint un roulement sinistre de tambours ;
Et les fifres des vents apportaient leur concours
Au concert infernal des éléments en rage.
Ma vie eut à tourner sa plus terrible page,
Car, les genoux raidis et les yeux pleins de sang,
Les doigts crispés au bord de ma barque dansant,
Et ma tête émergeant à peine des épaules,
Et mes cheveux dressés par le vent des deux pôles,
Je voyais, au milieu de ce second enfer,
Ma raison s’en aller devant moi sur la mer.

Cependant, par instants, aux sursauts de la vie,
Je sentais qu’une main berçait mon agonie ;
J’entendais qu’une voix m’endormait dans la mort.
Alors, arquant mes reins, d’un monstrueux effort
Je me dressai, haineux, tout droit dans la tourmente,
Mais le bruit de la mer couvrit ma voix râlante,
Tandis qu’un vent nerveux, vieux coureur de dangers
M’abattait, en passant, sur les flots enragés.