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Page:Londres - L’Âme qui vibre, 1908.djvu/35

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LA TEMPÊTE


Et la voûte, de plomb et de poudre alourdie,
S’éclairait, par moments, d’un immense incendie.
Battu de toutes parts, je pus me raccrocher
Malgré le flot contraire au dos de mon rocher.
Mais je fus, même ici, loque humaine et sans vie,
Le jeu de la tempête encore inassouvie.
Ramené par le vent et repoussé par l’eau,
Mon front contre le roc battait comme un marteau.
Dans sa fureur le vent retournait mes oreilles ;
Et je sentis, alors, que mes côtes, pareilles
À des cercles de jonc, se courbaient lentement.

Le ciel s’illumina pour mon dernier moment.
La mer se souvenant qu’elle était bonne amante
Reprit pour m’endormir sa chanson précédente.
Les souffles qui m’avaient flagellé tout le jour
Me caressaient la chair de leur plus doux velours.
Je m’en allais bercé par des mains assassines.
Mais, avant que la mort eût coupé les racines
De ma vie en délire et de mon âme en croix,
Je vis sur le rocher, l’empreinte de mes doigts.