Aller au contenu

Page:Londres - L’Âme qui vibre, 1908.djvu/68

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
58
L’ÂME QUI VIBRE


C’est Noël et je vais grelottant sous le ciel.
Il fait froid. — C’est Noël. — Mais il fait froid quand même.
Il fait froid. Cependant tout Paris se promène,
Et toute la misère aussi de tout Paris
Tend aux passant joyeux ses dix doigts amaigris.

Et des enfants ont faim ! — C’est Noël ce soir même.
C’est possible, après tout, mais ils ont faim quand même.
Et des hommes s’en vont tournant leurs bras ballants
Comme des moulins noirs tournent les leurs aux vents ;
Car ces hommes sont soûls — C’est Noël ce soir même. —

C’est possible, après tout, mais ils sont soûls quand même.
Et dans la ville en rut les femmes vont offrant
La chaleur de leurs seins douillets et provoquants.
— Allons ! va, mon ami, c’est Noël ce soir même —
C’est possible, après tout, mais ils sont chers quand même.
Et toute la phalange impure de Noël
Fait souffler sur Paris son vent tiède et charnel.

C’est Noël. Délaissant dehors Paris qui rôde,
Je rentre m’attabler à la taverne chaude,
Où, parmi la fumée et la lèvre qui rit,
La débauche, à son tour, fête aussi Jésus-Christ.