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Page:Longin - Voyage a la Guadeloupe, 1848.djvu/129

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peut s’empoisonner sous les bons auspices de la police !

Il est dans le quartier du Vieux-Fort, comme aux Saintes, une foule de blancs peu fortunés, et que, par mépris, les riches et voluptueux créoles appellent petits blancs, esthète doublement injurieuse. Tous, ou presque tous, voient croître sous un humble toit une famille nombreuse ; les matadors s’en étonnent et attribuent leur fécondité à la grande quantité de poisson qu’ils mangent, car, comme ils vont eux-mêmes le pêcher, il ne leur coûte rien, et ils en font à peu près le fond de leur nourriture ; bien singulière idée qui ne peut guère se loger que dans le cerveau d’un créole ; je ne suis pas assez initié dans les mystères de la nature pour me permettre aucune réflexion sur la cause physique de cette classe de phénomènes, mais je trouve une raison morale qui me semble suffisante pour détruire une partie du merveilleux : c’est que ces petits blancs sont fidèles à la foi conjugale ; c’est que, n’ayant point de grandes propriétés à cultiver, ils ne prennent point à tâche d’augmenter, par un libertinage effréné, le nombre de leurs esclaves ; c’est qu’ils savent régler leurs passions ; les grands blancs ignoreraient-ils que la vertu est ordinairement compagne de la médiocrité ?