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semble, soir et matin, devant la porte de leurs maîtres, et voilà tout. On ne veut même pas qu’ils se marient. Le respectable père Benoist, curé du quartier des Trois-Rivières, par les exhortations paternelles qu’il faisait aux esclaves de sa paroisse, était parvenu à inspirer des sentiments de religion à un grand nombre d’entre eux. On les voyait quitter le libertinage, et s’approcher des sacrements. Les maîtres murmuraient contre le curé, apparemment parce que la population se ralentissait, en même temps que le libertinage diminuait. « Mes négresses ne me donnent plus de négrillons » me disait un jour un habitant de ce quartier. — Monsieur, c’est qu’elles mettent à profit les instructions du pasteur, c’est qu’elles deviennent sages. — Quelle sagesse, s’écria-t-il, qu’une sagesse qui tend à me ruiner ! » Si l’esclave est libertin, on peut donc assurer que ce n’est pas tout à fait sa faute.

L’ignorance profonde dans laquelle on les laisse vivre, l’exemple, très-souvent scandaleux, de leurs maîtres, qui n’ont guère plus de moralité qu’eux, les sottes erreurs dont on les berce, doivent, sans doute, faire excuser leurs défauts. On établit entre eux et les blancs une distance infinie ; le blanc, leur dit-on, a été créé pour jouir, et le nègre pour