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servir ; ou, en patois : Bon Dieu té créé blancs, diable-là té caca nègres.

On les assimile aux bêtes de charge, on les dégrade, on se garde bien de les faire instruire ; on craindrait qu’ils ne sentissent les absurdités qu’on veut leur faire passer pour des vérités ; précaution inutile, la nature leur répète sans cesse qu’ils furent pétris du même limon que les blancs, et qu’ils reçurênt des mains du Créateur les mêmes prérogatives. Mais comment ces innocentes victimes connaîtraient-elles leurs devoirs ? leur parle-t-on jamais de religion ? leur donne-t-on la moindre notion sur la sainte moralité de l’Évangile ? et quelle confiance pourraient leur inspirer ces docteurs, dont les premières leçons sont si évidemment contraires aux documents de la pure et simple nature ? On n’oppose aucun frein légitime à leurs désordres, et l’on s’étonne que ces gens s’égarent quelquefois ! S’ils croient en un Dieu créateur, c’est moins parce qu’ils en ont ouï parler à leurs maîtres, que parce qu’ils lisent son existence dans le grand livre de la nature. Où puiseraient-ils donc des maximes de moralité ? dans la conduite de leurs maîtres ? ah ! c’est précisément parce qu’ils les imitent qu’ils s’égarent.