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Page:Longin - Voyage a la Guadeloupe, 1848.djvu/373

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de toutes choses. Je n’avais pas encore huit ans que déjà je savais lire et écrire et qu’une partie de mon catéchisme s’était logée dans ma mémoire. Il réglait mon travail et mes plaisirs, et m’accoutumait peu à peu au frein salutaire de la raison. Quant aux esclaves, il m’avait appris qu’ils étaient comme moi descendus d’Adam, et que, comme moi aussi, ils étaient couverts du sang de Jésus-Christ. Il m’attendrissait sur leur sort et n’aurait certes pas permis que je prisse à leur égard des airs de mépris, bien moins encore que je les tyrannisasse comme font ordinairement les enfants des libres. La vie de collège ne m’a donc pas semblé étrange, et, Dieu merci, les généreux sentiments que m’avait inspirés mon père n’ont fait que s’y fortifier.

— Avec de si nobles sentiments, vous devez, lui dis-je, vous trouver malheureux d’habiter un pays où règnent des préjugés contraires. Vous ne sauriez tirer parti de votre propriété sans le secours d’un certain nombre d’esclaves ; et comment les maintenir dans leurs devoirs sans user de moyens violents qui doivent répugner à des cœurs comme les vôtres : l’esclavage abrutit les âmes ; tout ce qu’elles ont de généreux et de délicat semble mourir sous le poids des chaînes, et ce n’est plus en quelque sorte que comme des bêtes de