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Page:Lorrain, Jean - Sonyeuse, 1891.djvu/136

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si bizarrement verdâtre que je me crois penché au-dessus d’un étang toutes les fois que j’y regarde, et j’y regarde bien une cinquantaine de fois par jour dans cet étrange et blêmissant miroir : je ne sais quels grands yeux pâles et mornes m’y attirent, c’est comme un sourire du passé et (traite-moi de fou, si tu veux) mais je me suis déjà surpris les lèvres presqu’appuyées à sa froide surface comme s’il y avait là, enfermé, un front cher et charmant, au fond de ce cristal.

Pas encore guéri, l’ami Jacques, comme tu vois !

Ah ! mon pauvre ami, comment cette aventure, toute de sensualité et de caprice, m’est-elle ainsi tombée de la tête dans le cœur, et comment après six mois passés sur cette liaison puis-je me retrouver plus douloureusement épris et pris et possédé qu’au premier jour !… Dire que j’ai tout fait pour secouer cette folie entrée aujourd’hui dans ma peau comme un taon dans l’encolure d’un cheval, et dire que j’ai tout tenté et tout essayé, voyages, absences, infidélités, crapulerie même et distractions de toutes les sortes, sans pouvoir arracher cette image et ce souvenir de ma chair.