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Page:Lorrain, Jean - Sonyeuse, 1891.djvu/140

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Mais tu as lu Baudelaire et tu connais le reste… Or, me vois-tu la nuit même de mon arrivée ici, laissant mes volets intérieurs grands ouverts et les rideaux tirés, afin de mieux voir le petit jour se lever sur ce parc de brume et me griser tout à l’aise d’un opium de tristesse ; ah, cette aube de novembre sur ces futaies jaunies et ces prairies noyées sous l’ondée bruissante, et ma sensation d’isolement dans ce château perdu, dans ces bois délabrés, devant cette aube blême !

Je ne sais pourquoi, mon pauvre ami, j’ai eu l’affreux pressentiment que je ne la reverrai plus jamais, jamais plus, que c’était fini de nous aimer, fini les baisers et les longues étreintes et les subtils espoirs ! Il a passé dans l’air froid du matin comme une odeur de mort ! Oh ! ce que j’aurais donné pour l’avoir alors près de moi, dans ce lit solitaire et pour la sentir respirer longuement, la tête appuyée sur mon épaule, et son cœur battant contre mon cœur.

C’est de la folie, mais pris d’une peur, je me suis levé précipitamment pour pousser les volets aux fenêtres, pour ne plus voir ce couvercle de tombe,