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Page:Lorrain, Jean - Sonyeuse, 1891.djvu/246

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au milieu du subtil décor de son boudoir de millionnaire youtresse, tout de stores de soie claire, de hautes fourrures sombres et de prêtes plantes vertes : mince et souple en toilette de gaze, d’un décolletage osé, la prunelle aux aguets et la bouche en rictus, il revoyait la baronne telle qu’elle était cette nuit-la, l’autre hiver : à la fois ricaneuse, curieuse et assoupie… Qu’attendait-elle ? On aurait dit qu’elle épiait. Et tout rose et tout frêle en son frac du soir, dont la sveltesse de ses vingt-deux ans sauvait la coupe inélégante, René Vinci, qu’il venait de lui présenter, debout, hésitant devant elle, et si charmant vraiment, ce pauvre petit poète, si charmant de candeur et de vraie jeunesse, qu’on ne savait plus s’il en était fille ou garçon, le baby… Imberbe encore, cette année-là, avec sa minceur aristocratique et sa joliesse de bar-maid, il avait ma foi un faux air de la marquise de B… en tenue d’Opéra, comme une gaucherie de fille anglaise ; et la scène en prenait une allure très moderne et perverse, quand, en s’asseyant sur un pouf aux pieds de la baronne, son pantalon avait fait un faux pli, et s’étant relevé, la baronne et lui