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Page:Lorrain, Jean - Sonyeuse, 1891.djvu/260

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La tête de mort qui roule déjà, inerte et décharnée, entre les épaules du Pierrot inanimé que la nocturne chevauchée des filles de caprice et de luxe entraîne : pauvre Pierrot en habit noir, les pieds droits dans le vide, il fléchit sur ses genoux, il glisse ; dans sa main crispée un pistolet fume et sa tête oscille et sa tempe saigne, il a déjà le nez pincé comme le nez d’un mort… Une svelte silhouette de Parisienne en deuil, ennuagée de crêpes, l’emporte et le soutient, une forme de femme aux ailes de phalène, et, derrière se bouscule et se heurte, bras levés et les seins nus, crêtes jaillissant des dentelles, le hourvari des filles en jupons, en pantalons, en chemises et en corsets de soie que fouaille, houspille et baise à pleine chair un bataillon glouton de Pierrotins loupeurs ! Au dessus, dans le bleu de la nuit, s’émoustille un ballet de vaporeuses étoiles, toutes de tulle et de gaze lunaires ; un symbolique omnibus de Clichy-Odéon, encombré de Pierrots, s’ébauche dans les nuées le ciel est entre-temps moucheté de flocons, et sont-ce des cris de courlis, des huées ?…, des voix et des appels se sont, au loin, très loin,