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Page:Lorrain, Jean - Sonyeuse, 1891.djvu/92

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émotion, le docteur la devina, car s’étant campé devant moi, ses deux mains appuyées sur sa canne à béquille, et hochant mélancoliquement la tête :

« Et que serait-ce, jeune homme, me dit-il d’une voix lente, si vous aviez vu comme je l’ai vue, moi, dans son cadre, au milieu des fleurs vivantes et des bibelots de la veille, l’adorable femme qui présidait à ce boudoir… Une nymphe… blonde, comme on ne l’est plus, et jolie… Une nymphe vous dis-je, et les épaules froides, tombantes, comme azurées par le bleu de ses veines, les épaules de la Psyché, et la nuque et l’attache du cou !… et le bras, et tout, et tout, et tout, un vrai Prud’hon.

Je l’ai beaucoup aimée, mais elle n’en a jamais rien su, rassurez-vous.

Je l’aimais trop pour la rendre à ce point ridicule, car j’ai toujours été laid, mais laid, atrocement laid, d’une laideur irrémédiable de grotesque et de savant, qui m’a toujours défendu de l’amour… de celui qu’on inspire et qu’on partage… Moi, je n’ai jamais eu que des maritornes, et les