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Page:Loti - L’Horreur allemande, 1918.djvu/126

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châle traditionnel, — mais point d’hommes, car ils sont tous partis au loin pour se battre.

Vers le soir, après environ quatre ou cinq heures de route, nous franchissons l’ancienne frontière de l’Italie pour pénétrer dans la zone reconquise, dans ce qui naguère encore était le Tyrol autrichien. Nous avons beaucoup monté, plus de mille mètres, il fait presque trop frais ; nous voici au milieu des Alpes Cadorines, la région se fait plus solitaire, le site plus tragique. Et tout à coup, à un détour des montagnes, nous découvrons une immense fantasmagorie là-bas en avant de nous, des choses de cauchemar qui se découpent trop haut sur le ciel ; les nouvelles cimes qui viennent de nous apparaître sont couronnées par une espèce de ville excédant toutes les proportions connues, absolument titanesque, et qui se prolonge dans le lointain à n’en plus finir ; elle a des basiliques, des citadelles, des pagodes de la fantaisie la plus extravagante ; elle a des tours de six à huit cents mètres, les unes qui s’érigent droites et pointues, les autres qui se penchent comme pour crouler dans les abîmes ; elle est bâtie en une même pierre grise, çà et là marbrée