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Page:Loti - L’Horreur allemande, 1918.djvu/156

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hôpitaux, un asile de vieillards, un refuge pour les femmes, et cette autre belle église de Santa-Maria-Formosa, que je retrouve cette fois crevée de part en part ? Un matin au petit jour, la mitraille de l’air s’est acharnée contre ce lieu de tranquille souffrance et, dans le grand hôpital, une vingtaine de malades ont été mis en pièces sur leurs lits. C’est dans un ancien palais, datant de la splendeur de Venise, que cet hôpital avait été installé, et la salle du massacre était précisément la grande salle d’honneur. Le plafond, tout en ciselures dorées, — de patientes et délicates ciselures sur bois plein, non pas de ces moulages en carton-plâtre, par quoi nous essayons de remplacer la vraie magnificence, l’âge du toc où nous vivons, — le plafond s’est abattu par morceaux, comme une lourde grêle, en même temps que la ferraille des obus, sur les humbles lits de fer, qui gisent encore là aujourd’hui, tout tordus ou cassés en deux, à côté de véritables petites montagnes de débris tombés d’en haut ; on dirait même qu’un triage a déjà été fait de ces cassons précieux : ici les encadrements, ici les rinceaux, ici les feuillages, — et, quand