Aller au contenu

Page:Loti - L’Horreur allemande, 1918.djvu/270

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

régnaient la confiance et l’affection réciproques. Des mots de leur langue, même des phrases, me revenaient comme par miracle, évoqués, ressuscités dans ma mémoire par leur présence, et cela les étonnait, les ravissait de m’entendre.

— Ti venu dans notre pays, colonel, disaient-ils. Ti connais parler Sénégal ?

Ils devaient dans quelques instants, à la faveur de la nuit close, quitter pour toujours ce lieu où ils avaient trouvé un peu de repos, et aller prendre leur poste de combat à une soixantaine de kilomètres d’ici, — vers l’Ouest qu’ils appellent le Moghreb ; donc, si les Boches voulaient demain les bombarder, leurs obus ne rencontreraient, sous ces tendelets grisâtres, que des maisonnettes abandonnées. Ce soir, c’était pour ainsi dire la veillée des armes de ces naïfs guerriers noirs, — aux petites mains étrangement nuancées de rose pâle, — et ils la célébraient avec un fol entrain, tellement en haleine, tous, tellement en forme pour aller se battre au service de leur patrie nouvelle !

La seule chose qu’ils regrettaient, à cette