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Page:Loti - L’Horreur allemande, 1918.djvu/31

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tête coupée et le ventre ouvert. Les plus élevées et luxueuses, celles de quatre ou cinq étages, sont les plus invraisemblables ; leurs pans de murs déchiquetés, qui dans le lointain simulaient de capricieuses pyramides, sont par places restés debout jusqu’au faîte, en gardant leurs tentures à l’éclat tout neuf, quelquefois même leurs tableaux, leurs glaces. En l’air, il y a des fauteuils, des canapés encore frais, des lits qui pendent, qui surplombent, accrochés par un pied, et des vêtements de toutes sortes, vomis par les armoires ; des enseignes dorées dansent la sarabande de la mort, parmi ces monceaux de briques rouges qui représentent, l’émiettement des façades. Quelques charpentes, quelques toits d’ardoises n’ont pas fini de tomber, et des murs qui ne tiennent plus en sont coiffés tout de travers, en casseurs ; pour provoquer des éboulements, il suffit d’un peu de vent qui se lève, ou des vibrations d’un fourgon trop lourd qui vient à passer.

Cependant il y a du monde, dans ces longues rues, dans tout ce grand décor d’enfer, du monde malgré les obus qui ne cessent encore