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Page:Loti - La troisième jeunesse de Madame Prune, 1905.djvu/298

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parties qui commencent à crouler par vétusté, surtout vers la base, où ils reçoivent l’éternelle caresse humide de Benten, déesse de céans. Au-dessus de leur image éternellement renversée, qui les allonge de moitié, ils paraissent immenses, et trop sveltes pour être bien réels.

On peut, si l’on veut, contourner la baie ; mais le chemin des pèlerins la traverse sur un pont sacré, que soutiennent des pilotis et que recouvre dans toute sa longueur une toiture en planches de cèdre. De chaque côté de cette voie légère, en équilibre sur l’eau calme, les emblèmes et les peintures mythologiques se succèdent comme pour les stations d’une sorte es de chemin de croix ; il y en a d’un archaïsme à donner le frisson ; on y voit surtout Benten, la pâle et mince déesse de la mer, entourée de ses longs cheveux comme des ruissellements d’une eau marine.

Continuant de suivre la ligne des grèves, je rencontre une étroite prairie à l’herbe de velours, resserrée entre la plage et la montagne à pic avec son manteau de verdure. Un hameau de pêcheurs est là, d’une tranquillité paradi-