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Page:Loti - Le Mariage de Loti, 1880.djvu/130

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nous passâmes devant, tous deux, avec un même frisson de frayeur. Il n’y avait plus auprès du mort qu’une vieille femme accroupie, une parente, qui causait à demi-voix avec elle-même. Elle me souhaita le bonsoir à voix basse, et me dit : « A parahi oé !… » (Assieds-toi !)

Alors je regardai ce vieillard, sur lequel tremblait la lueur indécise d’une lampe indigène. — Ses yeux et sa bouche étaient à demi ouverts ; sa barbe blanche avait dû pousser depuis la mort, on eût dit un lichen sur de la pierre brune, ses longs bras tatoués de bleu, qui avaient depuis longtemps la rigidité de la momie, étaient tendus droits de chaque côté de son corps, — ce qui surtout était saillant dans cette tête morte, c’étaient les traits caractéristiques de la race polynésienne, l’étrangeté maorie. — Tout le personnage était le type idéal du Toupapahou……

Rarahu ayant suivi mon regard, ses yeux tombèrent sur le mort ; — elle frissonna et détourna la tête. — La pauvre petite se roidissait contre la terreur ; elle voulait rester quand même auprès de celui qui avait entouré de quelques soins son enfance. — Elle avait sincèrement pleuré la vieille Huamahine, mais ce vieillard glacé n’a-