Aller au contenu

Page:Loti - Le Mariage de Loti, 1880.djvu/221

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans ma cabine obscure ; je me jetai sur ma couchette de marin, en me couvrant du pareo bleu, déchiré par les épines des bois, que Rarahu portait autrefois pour vêtement dans son district d’Apiré… Et tout le jour je restai là étendu, à ce bruit monotone d’un navire qui roule et qui marche, à ce bruit triste des lames qui venaient l’une après l’autre battre la muraille sourde du Rendeer… Tout le jour, plongé dans cette sorte de méditation triste, qui n’est ni la veille ni le sommeil, et où venaient se confondre des tableaux d’Océanie, et des souvenirs lointains de mon enfance.

Dans le demi-jour verdâtre qui filtrait de la mer, à travers la lentille épaisse de mon sabord, se dessinaient les objets singuliers épars dans ma chambre, — les coiffures de chefs océaniens, les images embryonnaires du dieu des maoris, les idoles grimaçantes, les branches de palmiers, les branches de corail, les branches quelconques arrachées à la dernière heure aux arbres de notre jardin, des couronnes flétries et encore embaumées, de Rarahu ou d’Ariitéa, — et le dernier bouquet de pervenches roses, coupé à la porte de notre demeure.