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Page:Loti - Le Mariage de Loti, 1880.djvu/309

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plus me rendre, — à tout cela que je n’ai même pas le pouvoir de fixer sur mon papier, et qui déjà s’obscurcit et s’efface dans mon souvenir, Hélas ! où est-elle notre vie tahitienne, — les fêtes de la reine, — les himéné au clair de lune ? — Rarahu, Ariitéa, Taïmaha, — où sont-elles toutes ?… La terrible nuit de Moorea, toutes mes émotions, tous mes rêves d’autrefois, où est-ce tout cela ?… — Où est ce bien-aimé frère John, qui partageait avec moi ces premières impressions de jeunesse vibrantes, étranges, enchanteresses ?…

Ces parfums ambrés des gardénias, — ce bruit du grand vent sur les récifs de corail, — cette ombre mystérieuse, et ces voix rauques qui parlaient la nuit, ce grand vent qui passait partout dans l’obscurité… Où est tout le charme indéfinissable de ce pays, toute la fraîcheur de nos impressions partagées, de nos joies à deux ?…

Hélas, il y a pour moi comme un attrait navrant à repasser ces souvenirs, que le temps emporte, quand, par hasard, quelque chose les éveille, — une page écrite là-bas, — une plante séchée, — un reva-reva, — un parfum tahitien gardé encore par de pauvres couronnes de fleurs qui s’en vont en poussière, — ou un mot de cette langue triste